I'll be the one you won't forget (tris)

La soirée arrivait inexorablement à son terme. D'ici trois petites heures, le soleil recouvrirait de ses rayons orangés les rues de la ville alors endormie, tireraient de leur sommeil les pères qui sauteraient dans leurs bagnoles en nouant leurs cravates, direction le bureau boîte-à-sardines au cinquième étage d'un building. Les mères, elles, traîneraient dans leurs pantoufles et robes de chambre, remuant de temps en temps les pancakes pour éviter de foutre en l'air le petit-déjeuner de leurs tripotées de gamins. Le monde reprendrait son habituelle route, son traintrain familier. Cette nuit, tout le monde ne rêvait pas bouche entrouverte, paupières et poings clos sous une immense couverture. Ce n'était pas le cas de Tris Hastings ; ce n'était pas non plus le cas de Tate Montgomery et de leurs potes respectifs encore perdus dans leurs débats éthyliques, les fesses posées sur la banquette rouge d'une boîte de nuit, ou les pieds sûrement douloureux à force de se trémousser au son d'une musique aux tonalités artificielles. Des boom, des bams électroniques crachés par d'immenses enceintes, les obligeant à hurler leurs remarques à l'oreille de leurs voisins. De toute manière, ils en étaient tous rendus à ce niveau de non retour, gavés d'alcool, qui rendait chaque remarque bien plus drôle quand elle se trouvait hurlée. Ce qu'ils étaient venus fêter ? Aucun membre de leur petit groupe n'aurait pu vous le dire. Peut être, une fois la gueule de bois apaisée, ils se souviendraient qui avait lancé l'invitation, quelle avait été l'excuse utilisée pour qu'ils terminent tous en boîte -dolipranes dans un café, recette nec plus ultra de l'étudiant pour une descente propre et rapide-. Pas de diplômes à fêter, pas non plus de promotion quelconque, de mariage futur d'un ami, de perte de trois kilos, mort d'un chat, pokédex enfin complété ou autre. Ils n'en savaient foutrement rien, et pour tout avouer, ils n'en avaient rien à faire. Ils fêtaient leur jeunesse ; ils enchaînaient les verres, riaient aux éclats, bougeaient leurs hanches de gauche à droite, de droite à gauche car ils le pouvaient. Car la nuit n'appartenaient pas aux familles, elle appartenait à la fine fleur étudiante prête à faire la queue pendant une bonne dizaine de minutes pour atteindre le bar, dépenser quinze dollars dans un verre de martini qu'ils descendraient aussi sec. (...) L'ambiance retombait enfin ; la boîte se vidait petit à petit, et l'on pouvait observer les vigiles qui commençaient à s'adresser aux personnes encore présentes, leur dire de dégager fissa les lieux, la fête touchait à son terme. Temps d'aller se coucher : dans quelques heures les cours reprennent pour les plus courageux -ou inconscients-. Tate lança un coup d'oeil à gauche, repéra rapidement la silhouette de Tris. Elle était belle Tris, à ses yeux, elle valait mieux que toutes les petites blondinettes à forte poitrine, ou toutes ces brunettes latinos dont on ne voyait que les interminables jambes. Aux yeux de Tate, Tris représentait la Femme et il ne s'était pas passé plus de dix minutes sans que son regard ne se posa sur elle ce soir. Il suffisait d'un sourire malicieux d'Hastings pour l'envoûter. C'était une plaie, une arnaque ironique pour un type comme lui qui occupait ses soirées à draguer tout ce qui porte une jupe. Il sentait l'étau portant le nom de Tris se refermer plus fermement autour de son cœur. Le temps passait, et lui succombait un peu plus. Chaque nouvel éclat de rire de Tris renforçait ce sort qu'elle avait jeté sur son âme. Merde, Tate, t'es pas un mec qui aime l'eau de rose. T'es pas un mec sentimental non plus. Il se leva, se dirigea avec le groupe en direction de la sortie. L'air frais fut accueillit par un soupir d'aise de la part des étudiants qui, mains dans les poches, sortaient comme un seul homme la clope salvatrice coincée au coin des lèvres. Tate tira une longue latte, recracha une volute de fumée et encore, ses yeux verts se posèrent sur le visage de Tris. Deux pas en avant, il était à sa hauteur. « Je te raccompagne chez toi ? » Il arqua un sourcil, et un sourire se dessina sur ses lèvres. « Oublie la question, je refuse de t'entendre me dire non. »